Contrainte : Le caviardage
Sur le modèle de Lucien Suel ou de Jochen Gerner (voir pièces jointes)
noircissez les mots inutiles d'une page de manière faire apparaitre un
court poème, une fulgurance, un apophtegme. Vous pouvez utiliser les
texte de Jules Verne, Stig Dagerman ou l'article du Monde sur "Bovines"
et la fonction surlignage (en noir) de votre traitement de texte.
Jules Verne :
Aussi, quand le docteur
conçut ce projet de traverser l’Afrique par les airs, ce fut pour Joe chose
faite ; il n’existait plus d’obstacles ; dès l’instant que le docteur
Fergusson avait résolu de partir, il était arrivé – avec son fidèle serviteur,
car ce brave garçon, sans en avoir jamais parlé, savait bien qu’il serait du
voyage.
Il devait d’ailleurs y rendre
les plus grands services par son intelligence et sa merveilleuse agilité. S’il
eut fallu nommer un professeur de gymnastique pour les singes du Zoological
Garden, qui sont bien dégourdis cependant, Joe aurait certainement obtenu cette
place. Sauter, grimper, voler, exécuter mille tours impossibles, il s’en
faisait un jeu.
Si Fergusson était la tête et
Kennedy le bras, Joe devait être la main. Il avait déjà accompagné son maître
pendant plusieurs voyages, et possédait quelque teinture de science appropriée
à sa façon ; mais il se distinguait surtout par une philosophie douce, un
optimisme charmant ; il trouvait tout facile, logique, naturel, et par conséquent
il ignorait le besoin de se plaindre ou de maugréer.
Entre autres qualités, il
possédait une puissance et une étendue de vision étonnantes ; il
partageait avec Mœstlin, le professeur de Képler, la rare faculté de distinguer
sans lunettes les satellites de Jupiter et de compter dans le groupe des
Pléiades quatorze étoiles, dont les dernières sont de neuvième grandeur. Il ne
s’en montrait pas plus fier pour cela ; au contraire : il vous
saluait de très loin, et, à l’occasion, il savait joliment se servir de ses
yeux.
Avec cette confiance que Joe
témoignait au docteur, il ne faut donc pas s’étonner des incessantes
discussions qui s’élevaient entre Kennedy et le digne serviteur, toute
déférence gardée d’ailleurs.
L’un doutait, l’autre
croyait ; l’un était la prudence clairvoyante, l’autre la confiance
aveugle ; le docteur se trouvait entre le doute et la croyance ! je
dois dire qu’il ne se préoccupait ni de l’une ni de l’autre.
« Eh bien !
monsieur Kennedy ? disait Joe.
– Eh bien ! mon
garçon ?
– Voilà le moment qui
approche. Il paraît que nous nous embarquons pour la lune.
– Tu veux dire la terre
de la Lune, ce qui n’est pas tout à fait aussi loin ; mais sois
tranquille, c’est aussi dangereux.
– Dangereux ! avec
un homme comme le docteur Fergusson !
– Je ne voudrais pas
t’enlever tes illusions, mon cher Joe ; mais ce qu’il entreprend là est
tout bonnement le fait d’un insensé : il ne partira pas.
– Il ne partira
pas ! Vous n’avez donc pas vu son ballon à l’atelier de
MM. Mittchell, dans le Borough.
– Je me garderais bien
de l’aller voir.
– Vous perdez là un beau
spectacle, monsieur ! Quelle belle chose ! quelle jolie coupe !
quelle charmante nacelle ! Comme nous serons à notre aise là-dedans !
– Tu comptes donc
sérieusement accompagner ton maître ?
– Moi, répliqua Joe avec
conviction, mais je l’accompagnerai où il voudra ! Il ne manquerait plus
que cela ! le laisser aller seul, quand nous avons couru le monde
ensemble ! Et qui le soutiendrait donc quand il serait fatigué ? qui
lui tendrait une main vigoureuse pour sauter un précipice ? qui le
soignerait s’il tombait malade ? Non, monsieur Dick, Joe sera toujours à
son poste auprès du docteur, que dis-je, autour du docteur Fergusson.
– Brave garçon !
Stig
Dagerman – Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)
Je suis dépourvu de foi
et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie
soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n’ai
reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d’où je puisse attirer l’attention
d’un dieu : on ne m’a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique,
les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l’athée. Je n’ose
donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m’inspirent que
le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n’était pas, lui
aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m’atteindrait moi-même car je suis
bien certain d’une chose : le besoin de consolation que connaît l’être humain
est impossible à rassasier.
En ce qui me concerne,
je traque la consolation comme le chasseur traque le gibier. Partout où je
crois l’apercevoir dans la forêt, je tire. Souvent je n’atteins que le vide
mais, une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds. Et, comme je
sais que la consolation ne dure que le temps d’un souffle de vent dans la cime
d’un arbre, je me dépêche de m’emparer de ma victime.
Qu’ai-je alors entre mes
bras ?
Puisque je suis
solitaire : une femme aimée ou un compagnon de voyage malheureux. Puisque je
suis poète : un arc de mots que je ressens de la joie et de l’effroi à bander.
Puisque je suis prisonnier : un aperçu soudain de la liberté. Puisque je suis
menacé par la mort : un animal vivant et bien chaud, un cœur qui bat de façon
sarcastique. Puisque je suis menacé par la mer : un récif de granit bien dur.
Mais il y a aussi des
consolations qui viennent à moi sans y être conviées et qui remplissent ma
chambre de chuchotements odieux : Je suis ton plaisir – aime-les tous ! Je suis
ton talent – fais-en aussi mauvais usage que de toi-même ! Je suis ton désir de
jouissance – seuls vivent les gourmets ! Je suis ta solitude – méprise les
hommes ! Je suis ton aspiration à la mort – alors tranche !
Le fil du rasoir est
bien étroit. Je vois ma vie menacée par deux périls : par les bouches avides de
la gourmandise, de l’autre par l’amertume de l’avarice qui se nourrit
d’elle-même. Mais je tiens à refuser de choisir entre l’orgie et l’ascèse, même
si je dois pour cela subir le supplice du gril de mes désirs. Pour moi, il ne
suffit pas de savoir que, puisque nous ne sommes pas libres de nos actes, tout
est excusable. Ce que je cherche, ce n’est pas une excuse à ma vie mais
exactement le contraire d’une excuse : le pardon. L’idée me vient finalement
que toute consolation ne prenant pas en compte ma liberté est trompeuse,
qu’elle n’est que l’image réfléchie de mon désespoir. En effet, lorsque mon
désespoir me dit : Perds confiance, car chaque jour n’est qu’une trêve entre
deux nuits, la fausse consolation me crie : Espère, car chaque nuit n’est
qu’une trêve entre deux jours.
Mais l’humanité n’a que
faire d’une consolation en forme de mot d’esprit : elle a besoin d’une
consolation qui illumine. Et celui qui souhaite devenir mauvais, c’est-à-dire
devenir un homme qui agisse comme si toutes les actions étaient défendables,
doit au moins avoir la bonté de le remarquer lorsqu’il y parvient.
Personne ne peut
énumérer tous les cas où la consolation est une nécessité. Personne ne sait
quand tombera le crépuscule et la vie n’est pas un problème qui puisse être
résolu en divisant la lumière par l’obscurité et les jours par les nuits, c’est
un voyage imprévisible entre des lieux qui n’existent pas. Je peux, par
exemple, marcher sur le rivage et ressentir tout à coup le défi effroyable que l’éternité
lance à mon existence dans le mouvement perpétuel de la mer et dans la fuite
perpétuelle du vent. Que devient alors le temps, si ce n’est une consolation
pour le fait que rien de ce qui est humain ne dure – et quelle misérable
consolation, qui n’enrichit que les Suisses !
Je peux rester assis devant un
feu dans la pièce la moins exposée de toutes au danger et sentir soudain la
mort me cerner. Elle se trouve dans le feu, dans tous les objets pointus qui
m’entourent, dans le poids du toit et dans la masse des murs, elle se trouve
dans l’eau, dans la neige, dans la chaleur et dans mon sang. Que devient alors
le sentiment humain de sécurité si ce n’est une consolation pour le fait que la
mort est ce qu’il y a de plus proche de la vie – et quelle misérable
consolation, qui ne fait que nous rappeler ce qu’elle veut nous faire oublier !
Article du Monde :
"Bovines", la limousine du documentaire
De la fenêtre de sa ferme, dans le Limousin, Maryse
Celerier aperçoit la neige, le pré et ses vaches couvertes de givre.
Dès qu'il y a un rayon de soleil, les limousines rechargent leurs batteries,
avec les chats de la maison. Les veaux de lait sont dans l'étable, à côté.
L'éleveuse possède un troupeau de quatre-vingts bêtes, dont quarante-cinq
vaches reproductrices. Elle est aussi cinéphile et fréquente régulièrement le
cinéma art et essai d'Eymoutiers. Bovines, sorti en salles mercredi 22 février,
y sera-t-il à l'affiche ? A notre demande, Maryse Celerier a visionné le
documentaire sur la vie des vaches charolaises, tourné dans le Calvados. A
présent, elle rêve de rencontrer son réalisateur, Emmanuel Gras.
Pour lui dire combien elle a aimé "son esthétisme", et lui faire part, aussi, de ses "réserves" en tant
qu'éleveuse. "Il fallait avoir le culot de faire un film sans aucune autre bande-son que les vaches et
les veaux. Il y a de très belles scènes, comme lorsque l'animal secoue le
pommier. Mais le film manque de cohérence pour le non-initié. Rien n'a lieu par
hasard dans un troupeau. Par exemple, je regrette que l'on ne voie pas le
moment où le veau, qui vient de naître, cherche instinctivement la tétine de sa mère. Mais je
me fais mon film...", rit-elle au téléphone.Ne pas tout expliquer, laisser des questions en suspens, c'est justement le choix du
cinéaste. Bovines fait ressentir la vie dans le pré, avec son rythme lent, ses plans
quasi abstraits, ses bruits d'herbe coupée enregistrés au plus près des
mâchoires. Contemplatif, et quasi muet : les vaches et leurs veaux sont les
acteurs principaux de ce film dévoilé au Festival de
Cannes, en mai 2011, par l'Acid, l'Association du cinéma indépendant
pour sa diffusion.
Tension
dramatique
Bovines joue sur la tension dramatique, dès la première scène. Une vache
s'approche de la caméra. Une charolaise, toute blanche, joliment ronde, mais
inquiète. Elle meugle, n'arrête pas de pousser des cris. On se demande pourquoi. On comprendra plus
tard. Pour l'instant, on découvre la bête dans toute son animalité, loin de
l'image furtive "vue du train" du troupeau affalé dans le pré.
Pourquoi filmer des vaches ? L'idée est venue à Emmanuel Gras, tandis
qu'il arpentait le chemin de randonnée de Robert Louis
Stevenson, le GR 70, dans les Cévennes. "Les vaches venaient à nous, elles
avaient une curiosité. Je me suis demandé quelle pouvait être leur existence, en tant qu'animal. En général, on ne se
préoccupe du bétail que pour sa fonction nourricière", explique-t-il.
"Je ne voulais pas une narration par l'image. Il y a trop de films où l'on
explique tout. La trame, c'est l'histoire de mères à qui l'on prend chaque
année leurs enfants. Quelques mois après leur naissance, les veaux sont séparés
de leurs mères", résume le cinéaste qui n'est ni un spécialiste ni un
militant.
Les vaches produisent des veaux qui deviendront de la viande, point.
L'embarquement dans le camion, direction l'abattoir, est suggéré en une
séquence. Ce n'est pas le sujet de Bovines. Notre éleveuse de limousines n'en
fait pas une affaire non plus. "J'emmène mes veaux à l'abattoir. Parfois,
les gens nous demandent : "Vous ne les aimez donc pas ?" On en a
parlé avec des amis éleveurs, le soir du réveillon. On est arrivés à cette
conclusion : il y a un renouvellement perpétuel du troupeau, de nouveaux
animaux arrivent, d'autres repartent", explique Maryse Celerier. Ainsi, la
dernière séquence du film... Non, on ne la dévoilera pas. Bovines se boit cul
sec, comme du petit-lait.
Textes des élèves :
Sur un article du
Monde :
La limousine couverte de givre possède un esthétisme qui
fait ressentir la vie, son rythme, ses plans, ses bruits enregistrés sur la
tension dramatique, dès la première scène, l'image furtive "vue du
train", le GR70. On en a parlé avec des amis, le soir du réveillon. On est
arrivés à cette conclusion : la dernière séquence se boit cul-sec.
Sur un texte de
Jules Verne :
Traverser l’Afrique par les airs, il s’en faisait un jeu.
Il possédait la rare faculté de distinguer sans lunettes les
satellites de Jupiter, il savait joliment se servir de ses yeux.
Il paraît que nous nous embarquons pour la lune.
Je l’accompagnerai où il voudra !
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Il n’existait plus d’obstacles ; Sauter, grimper,
voler, exécuter mille tours impossibles, il s’en faisait un jeu. Il trouvait
tout facile, logique, naturel. Il ne s’en montrait pas plus fier pour cela, il
savait joliment se servir de ses yeux ; mais ce qu’il entreprend là est tout
bonnement le fait d’un insensé.
Brave garçon !
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Le docteur avec sa merveilleuse agilité a obtenu la tête et
Kennedy. Sa façon de maugréer sans lunettes préoccupait monsieur Kennedy Joe.
La lune ne partira pas à l’atelier. Joe courut le monde près
du docteur.
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Joe ne partira pas. Vous n’avez pas vu un beau spectacle,
monsieur ! Il voudra laisser son poste !
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